Chrono en face nord du Grand Van (Belledonne) 30 décembre 2015

Avant de lire ce texte, je veux simplement rappeler que les informations que je poste sont issues de mon propre sentiment, de ma propre expérience et de mon propre ressenti. Que le ton que j’emploie, l’humour que j’utilise parfois est toujours à prendre au second degré. Que l’autodérision est dans chacun de mes textes. Dans celui là comme dans tous les autres. Et enfin, je ne poste que des informations dont j’ai été, soit l’acteur soit le témoin, pour informer le plus grand nombre de pratiquants avertis.

Chrono en face nord du Grand Van
Cette cascade me titillait le bout des crampons depuis pas mal de temps. elle titillait aussi mes lames de Nomic. Et quand une cascade titille, qu’est ce que je fais ? J’y vais.
Mais pour y aller, il faut trouver le bon compagnon de cordée. Un gars qu’il ne faut pas trop titiller ces derniers temps, de mes amis proches et sincères, était disponible actuellement.
– Allo Pack !! Ça te dit de te faire titiller le piolet en face nord du Grand van ?
A peine ces mots murmurés que j’entend au bout du fil…
– Ouais, DEMENT ton truc !! Dément mon truc alors qu’il ne sais pas où se situe le Grand Van, c’est Pack tout craché.

Face nord du Grand Van et sa cascade

Rendez vous est pris ce matin tôt. Pack habite Albertville et moi Lyon. Ce qui veut dire que tôt c’est se lever à 5h du matin. Et merde !! Marre de ne pas vivre aux pieds des montagnes. Marre de devoir courir derrière les Grenoblois, les doubler durant la marche d’approche, les piétiner à coup de crampons dans les longueurs… marre, marre, marre !!
Ce matin, on est encore les derniers sur le parking. On ne voit que des 38. 38 par ci, 38 par là. Et un 69, ma voiture. Fait chier.
Il est 8h quand nous commençons la marche d’approche. Dès le départ, Pack est en mode titille/chronomètre/onvatousleurdéchirerleurslips. Malgré mes déjà nombreuses sorties en montagne, je suis encore en mode diesel/onvapèteruncylindredirect. On a pas dormi beaucoup quand même.

Au bout de quinze minutes de marche commando, force est de constater que le moteur ronronne plutôt bien. On est parti léger. Un brin de corde, 6 broches à glace et trois friends. Le minimum acceptable pour ce genre de terrain.
Dans la montée on commence à doubler des 38. Jouissance absolue.
– Salut. Elle est raide cette montée, hein ?
Une fois au pied de la cascade de glace, 500 mètres d’ascension nous attendent. Mais aussi, six autres 38 qui s’apprêtent à grimper.
C’est là que le 69 et le 73 commencent l’intox. Pack allume une clope tandis que je délove la corde tranquillement en murmurant qu’on va en chier. Une petit dame sympathique me dit qu’elle aussi, va en chier. Un œil à Pack pour voir qu’il est déjà en mode Créole. Va y avoir de la Biguine dans l’air dans trois, deux, une seconde… Feu !
Pack a déjà fait dix mètres et place une broche. Encore un mètre et je fais une boucle au mousqueton de mon pontet. Je regarde la petite dame qui me regarde. On se regarde. la corde se tend. Je regarde la corde. Je regarde Pack. Je regarde la petit dame. Dans ses yeux je vois qu’elle a compris. On se reverra peut-être un jour, mais ce ne sera pas aujourd’hui.

Au fil des encrages, on dépasse les cordées déjà engagées. Jamais autant vu de monde dans une cascade. Sûrement plus qu’un curé peut en bénir. Ce n’est pas raisonnable d’être aussi nombreux à grimper au même endroit. Il faut dire aussi que le temps si prête. Peu de neige et de la bonne glace sorbet. Un bon bouche à oreille et un tour sur Camp to Camp termine le travail. On aura dépassé sept cordées durant l’ascension. Soit quatorze personnes. Malgré quelques signes d’agacement parmi les grimpeurs que nous avons croisé, on a réussi à grimper proprement, sans déranger beaucoup de monde. On ne fait que passer, après tout.

La pente qui mène au col

A 12h15 on est au sommet du large col. Un vent violent balaie la crête.

Il nous reste à suivre la longue crête qui devrait nous ramener sur le chemin du retour.

Je me retourne pour tenter de voir si des cordées nous ont suivi. Il n’y a personne. On a été drôlement rapide. Alors que nous sommes à mi chemin de la voiture, un hélicoptère vient tourner au dessus de la face nord. Il y a eu un accident dans la cascade où nous nous trouvions. On se regarde avec Pack. La même pensée traverse notre esprit. On a bien fait de ne pas attendre notre tour. On ne sait pas ce qui s’est passé mais on est mieux ici que bloqué en face nord, au chevet d’un gars blessé.

A 14h12 Pack arrive à la voiture. A 14h27 j’arrive à mon tour. On aura mis 6h15 pour faire la boucle. Ueli Steck n’a qu’à bien se tenir, demain on monte à l’Eiger.

PS: Un énorme merci aux deux personnes qui nous on déposé à bord de leur super kangoo, sur le premier parking. Mon putain de Lodgy est une vraie merde sur la neige. Achetez des Kangoos !!