3 jours avec de gros sacs d’ados. Calanques, mai 2015

La mer,
qu’on voit danser,
le long des golfs claires,
à des reflets d’argents,
la mer…
des reversos volants
tombant dans la mer

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Tandis que je vois l’ado Simon venir vers moi, descendant à petits pas timides dans ce premier rappel au gout de sel, je me dis, en voyant sa tête à l’air penaud…
« Aie, aie, aie !! Y’a un truc qui cloche.
Son short, maillot de bain et pantalon d’escalade réunis en une seule pièce, baille un peu au vent marin. Sous nos fesses, deux cents mètres de falaise déploient jusqu’à la mer, le calcaire blanc typique des Calanques. Sur la mer, un bateau tangue au fil des vagues et du courant. Des centaines de bulles recouvrent la surface de l’eau un peu partout autour de lui. Les plongeurs d’un club local visitent les fonds marins et ressortent par intermittence hors de l’eau, comme feraient des phoques cherchant à reprendre leur souffle après une course effrénée avec un banc de poissons.
L’ado Simon termine son approche du relais. Comme un avion cherchant à poser ses roues sur le tarmac, je le regarde tanguer et chercher ses repères pour poser ses chaussons sur la drop zone. Je le vois ouvrir la bouche pour annoncer à la tour de contrôle son arrivée imminente.
Tour de contrôle !! Tour de contrôle !! Ici vol DC1 42 !!

Au lieu de cela, j’entends une forme de son qui n’annonce rien de bon.
– Euh, Gérald, j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer. J’ai fait tomber mon Reverso !!
Dès le premier rappel, l’ado Simon donne le LA. Pour quelqu’un qui joue de la clarinette, je trouve qu’il ne manque pas d’air. Je ne peux même pas parler de clé de sol vu qu’en dessous, c’est la mer. D’ailleurs à cet instant précis, mon oreille musicale est en berne. Je ne sais pas dans quel groupe il joue mais c’est dommage qu’il ne soit pas enfants de cœur car là, je lui sonne juste les cloches.
Et ça carillonne beaucoup.
Je ne suis pas réputé pour être un gars calme. Encore moins un gars doux. Là haut, au sommet de la falaise, il y a le gars doux. Christian. Malheureusement pour Simon, au relais, les pieds dans le vide et le cul dans… le vide aussi, il y a le gars dur. Au commissariat du quartier, si on avait été flics, on nous aurait appelé « Rambo et la fée Clochette ». Et pour l’ado Simon, face à lui maintenant, il y a Rambo.
– Bordel, Simon !! Tu sais ce que ça veut dire de perdre son matériel en montagne ?
– Euh !!!
– Y’a pas de euh qui tienne. En montagne, perdre son matériel c’est mettre en danger son compagnon de cordée. C’est se mettre en danger. C’est rater un projet peut-être vieux de plusieurs années. Perdre son matériel c’est comme casser sa clarinette avant de Jouer en compagnie de Woody Allen au Carnegie Hall der New-York. Tu comprends ça ?
– Euh, j’l’ai pas fait exprès !!
Tandis que j’entends cette phrase historique par dessus tout, je réfléchis à la suite de la descente. A la façon de procéder pour ne pas devoir remonter et annoncer aux autres participants que la journée est terminée. En montagne, il existe mille solutions pour rester en sécurité. Nos ancêtres les Gallois, dès 1812, connaissaient de nombreuses méthodes pour ne pas mourir avant 18 ans, alors qu’ils escaladaient les sublimes falaises humides de Clogwyn Du’r Arddu au mont Snowdon. Nous devrions pouvoir nous en sortir aujourd’hui, malgré ce petit désagrément passager.
Je sais par expérience que Fée Clochette, restée en haut, se fera un plaisir de s’occuper de l’ado Simon afin de lui apprendre les bonnes manières… de grimper, sans avoir à faire le 112, le 18 et le 15. Alors je me détends un peu. Quelques mots sortent enfin de ma bouche, tordue par l’énervement.
– Ok Simon, tu peux t’accrocher à la chaîne. Tu peux aussi arrêter ta p#### de GoPro qui te donne l’air d’un émetteur téléphonique.
Doucement, le calme revient en moi. Le soleil brille dans un ciel parfaitement bleu. A quarante sept kilomètres de là, au plus loin où se porte ma vue, l’horizon se courbe et me cache l’Afrique et ses minarets. L’Algérie, pays où Ghislaine est née, est juste de l’autre côté de cette eau si belle. En dessous, les premiers kayaks glissent sur la mer et viennent lécher le bord des falaises. Dans trente minutes nous serons arrivés aux bas des rappels. La mer sera à nos pieds.
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Bientôt, les bateaux à touristes lâcheront des commentaires sur les grimpeurs au dessus d’eux. Les touristes lèveront la têtes et feront des Oh et des Ah avec leurs bouches émerveillées. Ils sortiront leurs appareils photos. Notre groupe d’ados, peu habitués à ce cirque, fera des coucous et répondra aux enfants sur le pont des navires qui leur crient bon courage.
Oh, En Vau... comme c'est beau !!
J’écoute Simon me répéter pour la 8ème fois qu’il ne l’a pas fait exprès. Je pourrais lui répondre, qu’heureusement !! Au lieu de cela, je lève la tête pour annoncer à Maxime qu’il peut descendre à son tour. Là haut, Johan vérifie que tout se passe bien au départ du premier rappel. Il attend que je crie « LIBRE » pour envoyer le deuxième ado.
J’ouvre la bouche pour respirer.
– Liiiibre !!!
En criant ce simple mot, qui résume à lui seul le sentiment que j’éprouve à cet instant précis, je lève la tête et voit la deuxième paire de fesses de la journée descendre vers moi. Finalement la journée pourrait être top. A moins qu’un autre Reverso décide de visiter les fonds marins. Mais ça, c’est une autre histoire !!
Toutes les photos ici

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